Hommage à Jean Guern

Jean Guern (1936-2020)

Jean Guern, professeur émérite de physiologie végétale à l’Université Paris Sud à Orsay et membre de l’Académie d’Agriculture de France, est décédé le 8 octobre 2020 dans sa quatre-vingt quatrième année.

Après une formation d’enseignant à l’Ecole Normale d’Instituteurs d’Angers, puis à l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud, Jean Guern a obtenu sa licence en 1957, son agrégation de biologie en 1959 et a soutenu en 1964 son Doctorat ès Sciences consacré à l’étude des mécanismes contrôlant la ramification des plantes. Nommé professeur titulaire en 1970, il a enseigné entre 1959 et 1976 à la Faculté des Sciences de Paris puis à l’Université Paris VI Pierre et Marie Curie, avant de rejoindre en 1977 l’Université Paris Sud à Orsay. Il a formé à la physiologie, au métabolisme et aux mécanismes de la croissance des plantes les étudiants du 1er au 3ème cycle, mais aussi les futurs enseignants du second degré. Ses cours à la fois clairs, rigoureux et très vivants captivaient les étudiants en les faisant entrer dans l’histoire de la découverte des connaissances qu’il enseignait. Avec Emile Miginiac, il a créé en 1991 le DEA de Biologie du Développement des Plantes. Cette formation co-habilitée par les Universités Paris VI et Paris Sud a formé des générations de jeunes chercheurs dont beaucoup sont actuellement en poste, souvent comme chefs d’équipe ou directeurs d’unité de recherche s’intéressant aux modèles végétaux. 

Dès 1964, Jean Guern a formé une petite équipe de recherche qui s’est intéressée au métabolisme hormonal en relation avec la croissance et la différenciation des cellules végétales. Cette équipe, tout d’abord localisée dans les locaux vétustes de la Sorbonne, a ensuite intégré en 1973 le site parisien de l’Université Pierre et Marie Curie puis a rejoint le campus CNRS de Gif sur Yvette en 1977. Son équipe, déjà associée au CNRS entre 1973 et 1990, s’est ensuite intégrée comme groupe de recherche dans l’Institut des Sciences Végétales (ISV, UPR CNRS), groupe que Jean Guern a animé jusqu’en 1996 tout en s’investissant très activement dans la mise en route de ce nouvel Institut dédié aux recherches sur le végétal.

Les premiers travaux de Jean Guern et de son équipe ont été consacrés à l’étude du métabolisme et du mode d’action de deux types d’hormones, les auxines et les cytokinines, sur la division et la différenciation de cellules végétales cultivées in vitro. Ils se sont ensuite étendus à l’étude de la régulation des gradients de pH et de potentiel électrique au travers de la membrane plasmique et du tonoplaste, en lien avec l’accumulation intracellulaire d’ions et de solutés. Par la suite, le thème central des recherches de Jean Guern et de ses collaborateurs s’est développé autour de la question complexe des mécanismes d’action de l’auxine et du mode d’action de signaux impliqués dans les interactions entre les plantes et des microorganismes pathogènes. Les résultats les plus marquants de cette période ont été, d’une part la caractérisation fonctionnelle d’un récepteur d’auxine sur la membrane plasmique, et d’autre part la description d’un ensemble de réponses au niveau de cette même membrane lors de la mise en place des réactions de défense des plantes vis-à-vis de stress environnementaux.

Parallèlement à ces recherches, Jean Guern a mené des travaux à finalité plus appliquée, avec un intérêt particulier pour la vigne. Il a convaincu la société Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH) de l’intérêt de créer au sein même de l’entreprise un laboratoire de recherches en biologie moléculaire et génétique de la Vigne. C’est dans ce laboratoire qu’ont été développées les approches moléculaires du groupe LVMH et la régénération de la Vigne par embryogenèse somatique en culture in vitro. Amoureux du terroir et des bonnes pratiques viticoles, Jean Guern s’est intéressé aux expérimentations de terrain, au vignoble et aux différentes maladies de la vigne. Devenu conseiller scientifique du groupe, il a initié et développé Ia cartographie de l’ensemble du vignoble de LVMH pour une maladie fongique du bois de la vigne, l’esca. Avant-gardiste dans ce domaine, il a contribué à apporter des explications et des remèdes à la dissémination de ce qui est devenu une préoccupation mondiale majeure de la viticulture d’aujourd’hui.

Jean Guern et son équipe ont mené leurs travaux en s’appuyant sur un ensemble de collaborations avec des laboratoires français et étrangers, en particulier via des programmes de recherche européens. Il a fait de son laboratoire un lieu d’échanges, d’accueil et de discussions fécondes pour des collègues de tous horizons. Son laboratoire a aussi été un lieu de formation pour de nombreux jeunes chercheurs, dont la plupart se souviennent de lui comme le meilleur « chef » qu’ils aient eu. Au niveau national, il s’est fortement engagé dans des tâches collectives au sein d’instances universitaires, auprès des organismes de recherche et dans des sociétés savantes, en particulier comme éditeur de la revue Physiologie Végétale, devenue Plant Physiology and Biochemistry. Ses mérites ont été reconnus par son accession aux titres de Chevalier des Palmes Académiques et Chevalier du Mérite Agricole, son élection en 1981 à l’Académie d’Agriculture de France et l’attribution en 1987 du du prix Gay-Lussac Humbolt et en 1992 du Prix Jaffé de l’Académie des Sciences.

La dynamique scientifique que Jean Guern a impulsée nourrit encore les recherches en cours aujourd’hui. Par sa très forte notoriété internationale dans le domaine des hormones végétales, ses qualités exceptionnelles d’enseignant passionné et passionnant, sa capacité à transmettre et à former de nombreux chercheurs et enseignants-chercheurs actuellement en poste dans toute la France, Jean Guern a eu un impact significatif et durable sur le développement et la renommée de la recherche française en biologie et physiologie végétales dont il restera une figure marquante.

Nous, ses anciens collègues, souhaitons le remercier pour tout ce qu’il nous a apporté au quotidien, tant pour sa rigueur et son exigence (avec lui-même comme avec les autres) pour que nous donnions le meilleur de nous-mêmes, que pour son côté humain lorsque nous rencontrions des difficultés. Après des périodes de travail intenses, nous partagions des moments joyeux à fêter les succès scientifiques de l’équipe, les médailles, les réussites aux concours, les repas de Noël, les arrivées et départs des collègues, lors desquels son côté bon vivant prenait le dessus.

Jean GUERN, homme de sciences et homme au grand cœur, restera dans nos mémoires.

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